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Apprendre à manutentionner : au-delà de la simple technique sécuritaire.

La manutention est une composante routinière de la plupart de nos occupations. Soulever des sacs d’épicerie, déposer un objet dans le coffre de sa voiture, transporter une boîte de litière à chat. Ce sont là des actions de manutention. Aussi simple que cette activité puisse paraître, elle présente sa part de défi pour notre corps, particulièrement pour notre système musculo-squelettique. En contexte de travail, la manutention constitue un facteur de risque de blessure.

 

En effet, au cours de la période de 2007 à 2011, la CNESST a reconnu au Québec près de 90 000 déclarations d’incidents liés à une action de manutention en milieu de travail. Ces incidents ont tous causé un trouble musculo-squelettique (TMS) non traumatique. Ce type de TMS résulte d’un effort excessif ou de gestes répétitifs, effectués sur des objets (pouvant être également des outils ou des machines) ou sur des personnes.

 

De ce nombre, 23% des déclarations touchaient des travailleurs âgés entre 15 et 29 ans. Environ 66% des déclarations indiquaient une atteinte à la région du dos (ce qui en fait la partie du corps la plus touchée). Avec près de 16 000 cas, les femmes œuvrant parmi le personnel médical constituent le groupe professionnel le plus atteint par ce type de TMS.

 

Ces travailleurs blessés bénéficient régulièrement d’une intervention en ergothérapie afin d’assurer le rétablissement des habiletés fonctionnelles. Les habiletés de manutention sont particulièrement ciblées par l’ergothérapeute puisque les activités comprenant de telles actions sont difficilement réalisables pour la personne durant sa réadaptation. Ainsi, l’affaiblissement des habiletés de manutention constitue un des principaux obstacles au retour à l’emploi.

 

L’ergothérapeute et l’enseignement de la manutention

 

De par son expertise à analyser l’occupation, l’ergothérapeute utilisera l’enseignement et la rétroaction en clinique pour assurer la progression des habiletés de manutention. Toutefois, il demeure important que le travailleur blessé puisse développer sa capacité d’analyse situationnelle. L’ergothérapeute ne se contentera pas seulement de faire un rappel d’une technique sécuritaire (telle que « Gardez votre dos droit et fléchissez vos genoux »).

 

Le développement de cette capacité d’analyse est suggéré par un groupe de chercheur de l’Institut de Recherche Robert-Sauvé en Santé et Sécurité du travail (IRSST). Les travaux de l’équipe du chercheur Denis Denys portaient sur le développement d’une approche de formation participative en manutention. Ils démontraient à quel point les formations misant sur l’enseignement d’une technique sécuritaire ont une influence peu significative sur le taux d’incident.

 

Le raisonnement réalisé par cette équipe de chercheurs doit se transposer en réadaptation, alors que du temps et des ressources sont mis à la disposition du travailleur vivant une invalidité professionnelle.

 

Afin de favoriser la durabilité du travailleur à son poste de travail, l’ergothérapeute l’aidera à définir les situations de manutention qu’il rencontre dans l’exercice de son emploi. Bien que les facteurs personnels (siège de la lésion, antécédents médicaux, état de fatigue, etc) soient généralement évidents à relever, une attention doit être portée aux facteurs environnementaux (caractéristiques de la charge, attentes de rendement, distance à parcourir, etc.). Des simulations spécifiques seront alors orchestrées en clinique afin que le travailleur développe des savoir-faire spécifiques.

 

En contexte de travail, l’ergothérapeute révisera les techniques utilisées par le travailleur afin de les optimiser. Il mettra en évidence les règles d’action auxquelles le travailleur s’expose lors d’une situation de manutention. Il aidera le travailleur à analyser cette situation pour que le choix d’une technique soit judicieux.

 

Exemple de la démarche d’analyse d’une situation de manutention

 

Face à une boîte de 10 kg se retrouvant au fond d’une étagère, une journalière dans un entrepôt déterminera qu’il lui est plus efficace, du point de vue énergétique, d’encaisser un effet de bras de levier plus grand plutôt que de subir une durée prolongée du maintien complet de cette boîte contre elle-même.

 

Même si elle doit davantage fléchir le tronc vers l’avant. Cette travailleuse optera pour une technique misant sur le positionnement de ses pieds (base de sustentation, effet de contrepoids) et sur la stabilisation de sa ceinture lombaire (notamment avec la contraction de sa musculature abdominale).

 

Elle optera pour cette technique alors qu’elle sait que le nombre de répétitions de cette action est peu élevé dans la première heure de son quart de travail.

 

En résumé, plus la personne développera son habileté d’analyse, mieux elle sera outillée pour réaliser ses activités de manutention. À la fin d’un processus de réadaptation, cette habileté est déterminante pour assurer la durabilité de la personne à son emploi, bien plus que sa capacité physique maximale à soulever ou à transporter une charge.

 

 

Bibliographie (documents électronique):

 

DENYS, Denis et al. Rapport R-690 : Programme de formation participative en manutention manuelle -Fondements théoriques et approche proposée. Montréal, Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (IRSST), 2011, 172 p.

 

Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (IRSST). Manutention en milieu de travail, [www.manutention.irsst.qc.ca/manutention-et-risques/des-statistiques/] (5 octobre 2018).